![]() |
![]() |
![]() |
||||||||||||||||||
|
||||||||||||||||||||
|
Dépêche Spéciale / Syrie
Le 2 avril 2003 N° 488
Interview de Bashar Assad : " Laccord de défense des Etats arabes devrait être appliqué ; tant quIsraël existera, il représentera une menace ; Israël ne sera jamais un Etat légitime, même après la paix. "
Le président syrien Bashar El-Assad a accordé une interview au quotidien libanais Al-Safir (pro-syrien), mené par le directeur du journal, Talal Salman. En voici quelques extraits :
Israël ne deviendra pas un Etat légitime, même après une éventuelle paix.
Le président syrien Bashar El-Assad : (
) Les Américains ont montré leur vrai visage en déclarant quils voulaient du pétrole et quils souhaitaient redessiner la carte de la région conformément aux intérêts israéliens. Israël a tout particulièrement intérêt, pour acquérir une légitimité, à ce que lIrak se retrouve morcelé en mini-Etats [définis par une identité] ethnique et nationale. Le Moyen-Orient comprend des pays de plusieurs nationalités, mais ayant une cohésion sociale et historique. Malgré la diversité ethnique de chacun dentre eux, le tissu social de la région demeure, gross-modo, uni. En revanche, le tissu social israélien est une anomalie : cest un pays qui na quune caractéristique : sa composante religieuse. Sa démocratie découle de cette caractéristique. Il ne sagit pas dune démocratie basée sur les frontières de lEtat. Il est donc inconcevable quIsraël devienne un jour un Etat légitime, même en présence dun processus de paix, parce que sa structure contredit les normes de la région, et peut-être même celles du monde entier. (
)
Israël contrôle lAdministration américaine. La région sera redessinée à son avantage.
Assad : (
) Les intérêts israéliens ne correspondent pas nécessairement aux intérêts américains. LAmérique est intéressée à réorganiser la région à sa convenance, en créant éventuellement des pays vastes ou étroits. Mais Israël est intéressé à diviser la région sur la base de considérations raciales, religieuses et ethniques. Le lobby israélien influence les Etats-Unis, ce qui signifie que la ré-organisation de la région et le contrôle de ses ressources favoriseront Israël par le biais de sa main-mise sur lAdministration américaine.
(
) Notre mauvaise compréhension des raisons de la guerre contre lIrak rappelle notre mauvaise compréhension des événements de 1948. En analysant cette guerre de façon matérialiste, nous demandant quand elle va prendre fin, quels en seront les gagnants et les perdants, nous refusons de considérer la fin du plan. Bien que lauteur du plan, les Etats-Unis, laient rendu publique, nous refusons de voir la vérité en face. (
)
Le Liban comme modèle
Assad : (
) Nous, en Syrie, avons un point de vue qui provient de notre expérience. Notre expérience au Liban est bien connue. Nous pensons que le Liban a été la première expérience véritable pour tous les Arabes. Certains disaient que la force du Liban, cétait sa faiblesse, mais il a été prouvé par la suite que la force du Liban résidait dans sa résistance et sa persévérance.
Au début de la résistance libanaise, le pays était petit et divisé. Il y avait alors des agents renommés larmée du Sud Liban. Certains ont aidé à conquérir Beyrouth, alors que dautres ont travaillé à la signature de laccord du 17 mai [avec Israël], continuant dagir contre les intérêts libanais. Malgré ces derniers, Israël a été vaincu. La situation est similaire avec lIrak, qui est un vaste pays disposant de ressources scientifiques, matérielles et humaines et qui est capable dau moins autant que le Liban, si ce nest plus.
La résistance en Irak
Question : Avez-vous été surpris par la résistance irakienne ?
Assad : Non, pas du tout. Compte tenu de notre expérience, elle ne nous a pas surpris. (
) Il ne fait aucun doute que les Etats-Unis sont une super puissance capable de conquérir un pays relativement petit de taille, mais sont-ils pour autant capables de le contrôler ? Les Etats-Unis et la Grande-Bretagne sont incapables de contrôler tout lIrak. La résistance va beaucoup samplifier. Tout cela va dévoiler au grand jour la fausseté de déclarations de certains responsables arabes qui, intentionnellement ou pas, ont essayé de considérer et de dépeindre la réalité autrement quelle ne lest. (
)
Laccord de défense de défense des Etats arabes devrait être appliqué.
Assad : Le plus logique serait dappliquer lAccord de défense des Etats arabes. Cet accord stipule que si un Etat arabe est envahi, les autres pays arabes doivent le défendre. Mais au lieu dappliquer cet accord, certains ont facilité lagression. (
)
Le Liban sest trouvé sous occupation israélienne, jusquà sa capitale, sans que nous considérions cela comme une catastrophe. Pourquoi ? Parce quil était très clair quil existait des façons de résister. Le problème nest pas loccupation, mais la façon dont la population y réagit. Lindicateur le plus significatif de labsence de désastre en Irak est quil ny a pas dexode [de réfugiés]. La première chose que les citoyens irakiens ont appris est que le déplacement est le départ sont irréversibles. Et que la solution est donc la résistance. Cest la première leçon que lon peut tirer de lexpérience du Liban dabord, puis de lIntifada. Il ny a pas de catastrophe, car il ny a pas dexode. Le problème nest pas loccupation, mais la volonté de résistance du peuple. (
) Aujourdhui, le citoyen irakien voit lAmérique venir chez lui pour occuper son pays et le tuer, et il est prêt à faire lui aussi lexpérience des événements de Palestine. (
) Je pense que la situation va devenir encore beaucoup plus difficile pour les Américains et les Britanniques.
Tant quIsraël existera, la Syrie sera menacée et prête à la confrontation.
Question : La Syrie se sent-elle menacée par cette guerre ?
Assad : Tant quIsraël existera, la menace existera. Tant quil y aura agression dun pays arabe et une guerre à proximité de nos frontières, le danger perdurera. Celui qui néprouve aucune crainte dans une telle situation ignore la réalité. La crainte nest pas synonyme de peur, mais implique dêtre prêt à la confrontation. (
) Si le problème se résumait à la guerre, la logique militaire nous ferait reconnaître notre faiblesse face à une super puissance. Mais le problème est la terre, notre terre. Vous qui êtes au Liban, votre puissance ne peut se comparer à celle dIsraël. Israël est, militairement, plus fort que vous et peut-être plus que tous les pays arabes, ou du moins que la plupart dentre eux. Mais ce qui compte, cest la foi. Y a-t-il égalité entre les forces américaines et irakiennes ? Bien sûr que non. Et pourtant, le peuple irakien tient bon et défend courageusement sa terre.
Question : Mais loccupation américaine dun pays arabe ayant une frontière avec la Syrie ne représente-t-elle pas un danger pour cette dernière ?
Assad : Cest pourquoi je dis quil est normal déprouver de la crainte.
Question : Etes-vous certain de pouvoir affronter le danger de cette menace ?
Assad : Notre conviction provient de notre foi en la justice de notre position et de notre nation, et résulte de notre expérience.
Il est possible que la Syrie devienne la cible dune guerre américaine
Question : On a dit que les plans de guerre contre lIrak avaient déjà vu le jour avant le 11 septembre. La liste des pays concernés incluait lAfghanistan, lIrak, la Syrie et lIran. Sagissant du nouveau plan dagression, la Syrie figure sur lune des listes.
Assad : Même si cela nétait pas le cas, la possibilité [dune agression] existerait. Ce qui veut dire que nous nallons pas attendre quils incluent la Syrie à leur liste, quils le déclarent ou non, pour que nous puissions dire que la guerre sest étendue ou non. Cest ce que jai dit au sommet [arabe], évoquant loccupation de Bagdad, en 1258, par Hulagu [le Mongol]. Mais cette fois, il y aura des capitales arabes pour se tenir aux cotés de Bagdad. Quand je dis des capitales arabes, je nexclue évidemment pas la Syrie, qui est la plus proche et qui se trouve au cur des batailles contre les envahisseurs, [la Syrie] étant le cur de larabisme.
Israël repose, de par sa nature, sur la traîtrise.
Question : Les menaces israéliennes contre la Syrie, le Liban et le Hezbollah se poursuivent, surtout ces derniers temps. Comment y réagissez-vous, et à lopinion selon laquelle, sous couvert de guerre contre lIrak, le Liban, et surtout le Hezbollah, seront visés ?
Assad : Ces menaces existent avec ou sans guerre. Ce serait une erreur de lier les agissements dIsraël à des circonstances données. De même quil serait illusoire de se sentir bien dans certaines circonstances au nom du simple fait quIsraël nessaie pas den tirer profit.
(
) Aucun dentre nous, aucun Arabe ne fait confiance à Israël. Il est normal que nous nous tenions toujours prêts à une offensive israélienne, même quand Israël ne nous menace pas. Il faut savoir quIsraël repose sur la traîtrise. Cest un point quil convient de bien prendre en compte. Nous avons affaire à de la déloyauté et des menaces, lesquelles ont accompagné la création de lEtat dIsraël. Depuis ses débuts, Israël représente une menace. Cest la nature dIsraël et cest pour cela quIsraël a été créé. Ayant compris la nature et le rôle dIsraël, nous devons envisager la possibilité dune agression prolongée. (
) Israël ne se soucie pas de lopinion publique internationale. Les Etats-Unis sont incapables de le tenir. Cest au contraire Israël qui contrôle [les Etats-Unis] avec son lobby. Le plus important, en ce qui nous concerne, est la justesse de notre position (
). Deuxièmement, nous devons nous tenir prêts à léventualité dune attaque israélienne. (
)
Les relations entre la Syrie et les Etats-Unis
Question : Que pensez-vous des relations actuelles entre la Syrie et les Etats-Unis ? Comment les définiriez-vous ?
Assad : Elles ont toujours connu des hauts et des bas, mais non par la faute de la Syrie. La Syrie reste fidèle à elle-même. Comme je lai déjà dit, nous nous basons sur des principes et sur les intérêts de la Syrie dans ses relations avec les pays étrangers. Tant que nos intérêts concordaient, les Etats-Unis ont été bien avec nous, mais quand nos intérêts se sont mis à diverger, ils ont voulu que nous nous calquions sur eux, ce que nous avons refusé de faire.
Sagissant de terrorisme, nos intérêts concordaient. Nous sommes opposés au terrorisme. Le 11 septembre, ils ont reçu une leçon et ont décidé, daprès ce quils disent, de combattre le terrorisme. Nous leur avons donné notre accord pour cela, ajoutant que sils désiraient notre coopération, notre position était claire et connue. Nous avons publiquement déclaré que nous coopérions. Cela na pas été officieux. Sur dautres points, nous avons des opinions divergentes et ne les suivons pas. (
)
Question : Essaie-t-on parfois de vous tordre le bras ?
Assad : Je ne dirais pas cela. Il existe des tentatives pour pousser la Syrie dans une direction qui contredit sa position actuelle. Ces tentatives prennent la forme de déclarations, de demandes officielles, dallusions au moyen de tierces parties. Tout cela ne nous intéresse pas. Nous demeurons sur nos positions. (
) (1) ~