Voici la mise au point de l'Ambassadeur Barnavi, dont LE MONDE n'a pas publié la dernière partie (dans l'édition du 3 octobre 2001).
Le texte complet suit:
Selon Sylvain Cypel (« Les musulmans et la démonisation de lennemi », Le Monde du 30 octobre 2001), jaurais comparé Israël « à quelquun qui aurait acquis rubis sur ongle un bien que le vendeur lui contesterait depuis. » Jaurais laissé passé une approximation de plus jen laisse passer tellement nétait la vulgarité de limage quil me prête.
Voici ce que javais écrit (« Israël-Palestine: une querelle de légitimité », Le Monde du 4 janvier 2001): « Le maître mot est légitimité. Vous avez acheté une maison, vous lavez payée argent comptant, elle est dûment enregistrée au cadastre, elle est à vous en toute légalité. Mais voilà, elle est située dans un quartier hostile, où lon naime pas votre peau, ou votre style de vie, ou vos fréquentations. Aucun titre de propriété, aussi indiscutable soit-il, ne protègera durablement votre possession si vos voisins refusent de vous reconnaître comme le propriétaire légitime. Bien sûr, si vous êtes plus riche queux, vous hérisserez votre propriété de barbelés et de miradors et vous serez en mesure de tenir en respect vos ennemis. Mais votre vie sera un enfer. Cependant, vos voisins ne sont pas mieux lotis. Vous vivez dans un camp retranché, mais eux vivent dans un bidonville ouvert à tout vent. Pour faire de ce quartier un lieu vivable, ils ont besoin de vous autant que vous deux, peut-être même davantage. » La maison, cétait, bien sûr, lEtat juif, chèrement acquis; le prix ne se mesurait pas en argent, mais en sang versé 6000 Juifs sur les 600 000 que comptait le Yishouv (la communauté juive en Palestine mandataire) lors de la guerre dIndépendance; et le cadastre était le consentement des nations, tel quil sétait manifesté au moment du vote du partage des Nations Unies, le 27 novembre 1947.
Ainsi filait la métaphore, à mon sens limpide. Comment sest-elle muée en ce calcul sordide que me prête un journaliste « quon a connu mieux inspiré »? Mystère. Mais puisquil est beaucoup question de « déni » dans larticle de Sylvain Cypel, je lui conseille amicalement de réfléchir à la question suivante: quel « déni » porte-t-il en lui, qui loblige à donner des gages de correction politique à ceux-là même, dont, une fois nest pas coutume, il expose par ailleurs les mortifères turpitudes ?
Elie Barnavi